Militante communiste, présidente de l’association Bell’Arc-en-ciel, animatrice du collectif SOS expulsion, puis de la coordination toulousaine pour le droit au logement décent pour tous, soutien sans faille des Enfants de Don Quichotte, Sylvie Torres, 53 ans, n’est jamais aussi heureuse que dans la lutte.
Le militantisme pour Sylvie c’est génétique. Avec une mère convertie au protestantisme et un père communiste et résistant, Sylvie est tombée dedans toute petite. A 14 ans déjà, elle manifeste contre la guerre du Vietnam à Tarbes. Quand elle arrive à Toulouse en 1970, elle s’inscrit immédiatement aux Jeunesses communistes, puis à l’Union des étudiants communistes (UEC), sans oublier le puissant syndicat étudiant UNEF.
« Les années 70 furent les meilleures années pour le militantisme », commente Sylvie, un brin nostalgique. Avec son mari étudiant marocain, elle s’engage dans les mouvements autour de l’immigration dans le quartier de Bagatelle. Et ce n’est pas la naissance d’Aïda en 1974 qui arrêtera Sylvie. La petite fille aura participé en quelques années à bien plus de manifestations que la moyenne des Toulousains en toute une vie. Elle est comme ça, Sylvie, entière et convaincue.
En 1980, elle part s’installer au Maroc, convaincue aussi qu’elle y fera sa vie. « Là j’étais bien obligée de mettre mon activisme entre parenthèses. Dans ce régime policier j’ai appris à être méfiante, à fermer les fenêtres avant de parler politique dans mon appartement. » Mais le couple se déchire et Sylvie revient s’installer en France avec ses deux enfants. Elle s’installe au Mirail par choix, et reprend rapidement contact avec le PC.
Elle devient l’une des animatrices du collectif anti-expulsion, la cellule de choc que les locataires acculés appelaient au secours à l’arrivée des huissiers. Elle s’investit également dans le collectif d’habitants qui s’est battu en 94-95 pour que tous les locataires de Midifac soient relogés. Elle milite aussi avec la Cimade pour le maintien à l’hôtel des familles sans papiers en 2006. « La question du logement m’a toujours préoccupée parce que sans logement on n’est rien, on ne peut pas se construire ». Une conviction encore renforcée cette année par son soutien quasi quotidien aux Enfants de Don Quichotte, installés sur les allées François Verdier.
En 98, Sylvie décide de poser définitivement ses valises au Mirail en achetant un appartement à la Reynerie. Un an après, elle assiste à la mort tragique du jeune Pipo. Avec une autre militante communiste, elle lance un appel aux femmes du quartier. C’est ainsi que naît le Mouvement des femmes [1], un mouvement très actif pendant deux ans sur le Mirail.
A la demande des femmes du quartier, le collectif a fini par se transformer en association, l’association Bell’Arc-en-ciel, un lieu de rencontres, d’échanges, d’initiatives et de solidarité créé par et pour les femmes. Le Mouvement des femmes a été mis en sommeil mais il n’est pas mort. « On le réactive de temps en temps sur des problématiques plus politiques auxquelles l’association ne pourrait pas bien répondre. » Ainsi, au printemps 2005 le Mouvement des femmes est allé défendre quatre jeunes injustement accusés d’avoir provoqué des émeutes.
Comment parler de solidarité au Mirail sans parler d’AZF. Au lendemain de l’explosion Sylvie s’est spontanément présentée à TO7, devenue le QG de l’entraide de la Reynerie. C’était un samedi. Sylvie ne s’est pas présentée à son travail avant le mercredi, trop occupée à aider ses voisins. Quelques temps après Faïza se présente sans papiers, sans logement mais avec deux enfants sous le bras à la permanence de Bell’Arc-en-ciel. Alors Sylvie lui ouvre les portes de son appartement. « C’était encore tout cassé par l’explosion mais on s’est serrés le temps qu’on nous répare les fenêtres ». Aujourd’hui Faïza a obtenu ses précieux papiers et habite toujours chez Sylvie.
L’association toulousaine des Enfants de Don Quichotte a été crée par cinq jeunes qui se sont rencontrés sur le site internet de l’association parisienne. L’un d’entre eux était impliqué dans des réseaux militants. C’est ainsi que le 31 décembre, Sylvie s’est retrouvée avec une poignée d’autres camarades pour organiser l’installation commando du 2 janvier. C’est même elle qui a proposé les allées Verdier, plus facilement exploitables pour du camping sauvage que les bords de Garonne.
L’an dernier, Sylvie a quitté son travail à France Telecom pour tenter de monter une société de nettoyage industrielle écologique sous forme de SCOOP (société coopérative). Depuis mars 2007 sa société Netsoléco intervient dans les zones industrielles qui entourent le Mirail. « Le seul type de travail qui existe pour les gens du quartier peu diplômés c’est le nettoyage. Mais aujourd’hui ce secteur est aux mains de « négriers ». J’aimerais prouver qu’on peut faire du nettoyage de qualité en étant respecté et correctement rémunéré ».
Aujourd’hui Sylvie est gérante bénévole de Netsoléco. Si l’activité se développe elle se salariera. En attendant elle peut militer toute la journée. « Un vrai bonheur » concède-t-elle.