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La santé est-elle « sensible » au quartier ?

Article proposé le vendredi 21 décembre 2007, par Emmanuelle Deleplace


Se soigner au Mirail ? Pas trop compliqué. Les professionnels sont présents, bien que moins nombreux qu’en centre-ville. Grâce à la CMU, la majorité de la population a les moyens de se soigner. Et pourtant la souffrance est grande. Et s’il fallait chercher la solution à ces maux en dehors de la sphère purement médicale ?

La santé au Mirail préoccupe la mission de développement social de la ville de Toulouse (DSU). Elle a commandé un « diagnostic partagé » sur la santé des quartiers Bagatelle, Faourette, Papus, Tabar, Bordelongue, Mirail-Université et Reynerie. Le bureau d’études, chargé de cette enquête a présenté ses premiers résultats le 21 novembre.

On y apprend que les bénéficiaires de la CMU représentent 40 % des assurés sociaux du Mirail contre 13 % dans l’ensemble de la ville de Toulouse, que si les professionnels de santé sont moins nombreux que dans d’autres quartiers, leur densité reste supérieure à celle des zones rurales. Autrement dit, que la majorité des habitants a les moyens de se soigner correctement.

Et si les avantages de la zone franche urbaine n’ont pas beaucoup attiré les médecins, les infirmières, elles, se sont installées massivement. Rien qu’à la Reynerie, elles sont aujourd’hui huit alors qu’elles n’étaient plus que deux il y a quelques années.

Sur l’état de santé de la population, le constat reste plus flou. Le DSU a souhaité mettre l’accent sur la souffrance psychosociale, pointée du doigt par de nombreux professionnels, tant de la santé que du secteur social. Les consultations chez les généralistes pour troubles du sommeil, mal-être, dépression ou ulcères se multiplient. D’ailleurs c’est au Mirail que les laboratoires pharmaceutiques font leurs meilleures ventes d’anti-ulcéreux de tout Toulouse.

Le généraliste reste le premier et souvent le seul recours car dans les milieux populaires le psy fait encore peur. Aller le voir, qu’il soit psychiatre (médecin spécialiste) ou psychologue, c’est presque avouer qu’on est fou. Les psychiatres et psychologues libéraux sont quasiment absents du quartier. Quant aux dispositifs de consultations publics (centres médico psychologiques pour adultes ou enfants reliés à l’hôpital Marchant ou centres médico psycho-pédagogiques de l’éducation nationale) ils sont également répartis sur tout le territoire donc ne compensent pas l’absence d’offre privée du quartier.

Une aide psychologique associative

Alors comme pour bien d’autres maux des quartiers « sensibles », c’est le réseau associatif qui a pris le relais. Psychologue de l’association Partage à la Faourette depuis douze ans, Marc Jourdan observe une souffrance de plus en plus liée au contexte social : « les gens se sentent de plus en plus isolés, ils ont du mal à sortir de chez eux. Il y a dix ans on avait plus de facilité à les fédérer dans des actions collectives qui les aidaient à se reconstruire.

L’explosion d’AZF a cassé ces dynamiques. Depuis septembre 2001, je rencontre beaucoup de personnes seules très méfiantes vis à vis de la société en général. De plus le discours libéral, très individualiste, ne leur permet pas de trouver leur place. Alors ils se bourrent de médicaments, restent chez eux et coupent tous les liens ».

Association de psychologues bénévoles créée après AZF et installée à Bagatelle, « les psys dans le quartier », accueillent gratuitement, comme Marc Jourdan, toutes les personnes qui ont besoin de parler. : « Il n’y pas de spécificité de la souffrance aux quartiers populaires, commente Karine Chouicha, l’une de ses animatrices. Les personnes que nous recevons souhaitent parler de leur parcours de vie, de leurs choix, des enfants. »

« Mais il y a une grande pudeur ici, poursuit sa collègue Naouwel Harouchi. Les gens n’ont pas l’habitude que leur parole soit entendue, leur souffrance reconnue, alors ils commencent souvent par poser d’autres plaintes avant de parler d’eux-mêmes. »

Ce sont souvent les femmes, les mères qui osent pousser la porte du psy. Pour les aider et désacraliser ces rencontres, Marc Jourdan « traîne » à la Faourette et à Bordelongue, participe aux activités quotidiennes de l’association Partage ; « les psys dans le quartier » organisent des ateliers de médiation avec les enfants qui habitent près du local et interviennent au collège de la Reynerie et bientôt au Lycée d’Enseignement Professionnel du Mirail.

Ces rencontres auprès des collégiens et lycéens finiront peut-être par payer car pour l’instant beaucoup de jeunes en souffrance ne connaissent que l’absence de soins ou l’hospitalisation. « De jeunes patients m’expliquent que quand ils ne se sentent pas bien ils vont à l’hôpital Marchant, commente Mathieu Bize, kinésithérapeute à Bellefontaine. Mais quand ils sortent de l’hôpital, plus personne ne s’occupe d’eux jusqu’à la prochaine crise. »

Un constat partagé par le psychologue Marc Jourdan : « les temps d’hospitalisation sont de plus en plus courts et le personnel en psychiatrie ambulatoire bien insuffisant. ». Consolons-nous, cette « misère de la psychiatrie publique » n’a rien de spécifique au Mirail.

Médicaliser la souffrance

L’alcoolisme ou la toxicomanie le sont-ils plus ? C’est sans doute l’avis du DSU, qui a jugé prioritaire de s’intéresser à la consommation de produits psycho actifs mais sans apporter la preuve que cette consommation était plus importante ici qu’ailleurs. « Le problème avec la drogue n’est pas la consommation qui ne me semble pas fondamentalement différente au Mirail que dans le reste de Toulouse, s’énerve Christian Gutierrez du comité de quartier Papus-Tabar-Bordelongue, le vrai problème c’est le trafic et ses nuisances au quotidien.

« La nuit ce sont les dealers et les rodéos, le jour le bruit de la rocade et celui des avions. Toulouse-Blagnac est le deuxième aéroport pour les nuisances sonores aux habitants, juste derrière Orly. Comme par hasard les avions suivent la route des quartiers les plus pauvres. Et ces sujets là ne sont jamais mis sur la table. » poursuit Christian. Du côté du DSU on reconnaît que si le problème est d’importance, il n’entre malheureusement pas dans son domaine de compétence.

Alors faute de pouvoir traiter les problèmes de fond : le bruit, le chômage, la précarité… on soigne les conséquences. Et ceux qui bénéficient de la CMU n’hésitent pas à se soigner. « On a parfois l’impression que certains consultent pour rien mais on se rend compte qu’ils ont besoin qu’on s’occupe d’eux, explique le docteur Gorritz, médecin depuis 20 ans à la Reynerie. Ce matin, j’ai une patiente qui m’a dit : je suis fatiguée, docteur, faites moi un scanner de haut en bas. »

« Je suis affolée de voir la consommation de certains patients, commente Véronique Thener, qui travaille depuis 28 ans à la pharmacie du Soleil. Il y a des gens qui abusent vraiment mais comme ils viennent avec des ordonnances en bonne et due forme on ne peut rien dire. Il n’y a pas de trafic, j’en suis convaincue. Et puis comment leur en vouloir : la consommation de médicaments c’est à peu près le seul droit que la société leur reconnaît aujourd’hui ! »

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