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Agir Ensemble

Relire la parabole du bon samaritain (Evangile Luc 10, 25-37)

Article proposé le mercredi 23 décembre 2009, par Jean-Pierre Nizet


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La lecture la plus courante de la parabole est de dire que mon prochain n’est pas celui qui a priori me ressemble le plus, ethniquement, culturellement, religieusement mais celui dont je me rapproche.

Or l’action de se rapprocher est toujours particulière, concrète, indépendante des rôles sociaux et religieux comme le montre le récit en affichant l’indifférence du prêtre et du lévite qui se sont détournés de l’homme blessé, qui ont « passé outre ».

Le prêtre et le lévite sont hors sujet. Le samaritain, lui, l’étranger, l’hérétique, l’impur, est un je, un sujet qui va vers un autre.

Ce mouvement vers l’autre inaugure une relation non seulement singulière mais réciproque. Les deux hommes, le samaritain et l’homme blessé, sont devenus prochains l’un de l’autre. Le mot grec plhsion que l’on traduit habituellement par « le prochain » désigne cette relation réciproque. André Chouraqui traduit plhsion par « compagnon », Joachim Jérémias propose le mot de « camarade ». Par là, ils veulent indiquer que la relation d’aide ne reste pas asymétrique au contraire de ce qu’il en est dans l’humanitarisme qui maintient trop souvent l’autre dans la position de victime.

S’approcher c’est échanger autre chose que de la souffrance et de l’aide. Comme le dit le philosophe Paul Thibaud : « la détresse n’est qu’un déclencheur de la relation, elle n’est pas sa substance. La détresse peut inaugurer une contagion de la bonté. »

Dans notre parabole, la relation s’étend dans le temps, s’inscrit dans la durée, comme le montre la convalescence à l’auberge. Il y a un lendemain de la rencontre et cette relation nouvelle inaugure un temps meilleur, unissant deux êtres dans la perspective d’un avenir commun. « Je reviendrai » dit le samaritain.

L’horizon de notre parabole est un horizon d’amélioration du monde, de réparation des êtres. Cela passe par des actes. La parabole ne repose pas sur un universalisme abstrait mais nous parle du courage d’être, le courage de faire face devant des situations concrètes. Elle nous parle d’une espérance qui ouvre l’avenir, d’une présence au monde. Ce monde où le mot de fraternité n’intéresse plus, puisqu’on lui préfère celui de convivialité. Mot insupportable rabâché ad nauseam.

La fraternité contrairement au « convivial » ce n’est pas niais, ce n’est pas sympa, c’est une vertu qui engage, qui mobilise. Comme le résume Régis Debray dans son livre « Le moment fraternité » : « la fraternité n’est pas le vivre ensemble mais l’agir ensemble, c’est une vertu d’insurgé. »

Insurrection de l’amour qui peut nous fait prendre tous les risques.
Emu aux entrailles, le samaritain se lance dans l’inconnu, il sort du chemin, il sort du rail, il foule aux pieds les frontières ethnique et religieuse, il tend la main à un anonyme, il le soigne avec son huile et son vin, il le relève.
Cela demande du temps et de l’effort.

Plus loin, auprès de l’aubergiste il s’engage : « Ce que tu dépenseras en plus, je te le rembourserai. Il ne met aucune condition, aucune limite, « le dépassement des limites est le cœur de la parabole » disait le père Lev Gillet.

Dépasser les limites, sortir de nos espaces circonscrits, de nos résidences sécurisées, ne plus tirer la couverture à soi, se déployer.

A nous désormais de faire vivre la parabole dans ce monde où d’autres paraboles nous enchaînent et nous paralysent, dans ce monde de la plainte permanente où les droits de chacun s’entremêlent au point de devenir la guerre de tous contre tous, dans ce monde où les orages émotionnels laissent trop souvent la place aux lâchetés ordinaires.

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