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La médecine traditionnelle chinoise

Article proposé le mercredi 26 mars 2014


« La dynastie des Han, en l’an 154 avant J-C, au Nord de la Chine. Une paysanne
travaille dans un champ de millet, au printemps. Un vent du nord glacial la transperce. Dans l’après-midi (…) elle commence à avoir mal à la tête, son nez coule, elle tousse et se plaint de céphalées et d’une forte raideur de la nuque. Elle se rend chez l’acupuncteur local qui diagnostique une attaque de Vent Froid externe. L’acupuncteur lui insère quelques aiguilles au niveau de la main et lui pose des ventouses en deux points de la partie supérieure du dos, ce qui, au bout de quelques heures, entraîne une nette amélioration de son état.

Londres, en Angleterre, en l’an 1990 après J-C. Un banquier de la City souffre d’anxiété et d’insomnie. Il a des journées de travail très longues et nerveusement très fatigantes dans la mesure où il est responsable de la gestion de plusieurs millions de livres sterling. Un de ses collègues de travail s’est fait traiter par acupuncture pour arrêter de fumer et lui recommande d’aller voir son acupuncteur. Ce dernier diagnostique une Stagnation de Qi du Foie due aux pressions dont cette personne fait l’objet dans sa vie professionnelle. Il lui insère quelques aiguilles pour lever la stagnation du Qi et calmer l’esprit. L’amélioration est
sensible après quelques séances hebdomadaires ».1

Pour la médecine traditionnelle chinoise (ou « MTC »), tout est « Qi », énergie plus ou moins subtile, plus ou moins dense et matérielle. Ce point de vue permet de ne pas buter, comme c’est le cas dans notre propre tradition philosophique, sur la question du lien entre le corps et l’esprit, mais de les placer d’emblée sur un même continuum, celui du « Qi ».

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Les Chinois se représentent ainsi la bonne santé, autant physique que mentale, comme le maintient d’une énergie harmonieusement équilibrée entre les deux principes complémentaires qui la composent : le YIN et le YANG.

Cette représentation ne relève pas que d’une philosophique abstraite ou d’une pensée magique. Elle est la base théorique, le fondement d’un paradigme qui, sur le plan médical, recoupe plus de 3000 ans d’expérience clinique. Par l’analyse méthodique des symptômes et leur recoupement, le médecin chinois est capable de dégager un ou plusieurs « syndromes », c’est-à-dire de poser un diagnostic précis et rigoureux. Surtout, la spécificité de la MTC est de chercher à remonter à la cause des pathologies et de comprendre chaque cas dans sa spécificité. Ainsi, non seulement on ne traitera pas un problème d’insomnie simplement en prescrivant des somnifères, comme c’est souvent le cas avec la médecine occidentale (ce qui reviendrait à vouloir « cacher le soleil avec un doigt »), mais en en dégageant la cause profonde : s’agit-il d’un excès de réflexion et de surmenage, d’une insuffisance congénitale, d’un excès d’activité sexuelle, d’une maladie de longue durée, d’une dépression psychique ou encore d’un écart du régime alimentaire… ? Chaque cas trouve ses racines dans une histoire différente et appelle un traitement adapté. Concrètement, une consultation chez un praticien de MTC sérieux, surtout s’il s’agit de la première, peut durer aux alentours d’une heure, voire une heure et demie. Elle passe par la traditionnelle prise des pouls, l’observation de la langue, de l’attitude corporelle, verbale, du teint, de l’éclat du regard, par l’ouïe, la palpation, l’olfaction ainsi qu’un « interrogatoire » souvent très poussé.

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Cette qualité d’écoute, d’ouverture à l’autre, à son caractère, à ses habitudes, à l’histoire personnelle qui font de lui ce qu’il est à l’instant T et nous amène à le rencontrer… Peut-être cela vous rappelle-t-il, comme à moi, une certaine association du nom de TO7…

Tout comme TO7 ne cherche pas à devenir spécialiste du droit administratif ou du droit des étrangers, le médecin chinois n’enferme pas sa pratique en se spécialisant uniquement sur un organe particulier. Il est un généraliste au sens noble, qui suit véritablement chaque patient. Il prend en charge une palette très large de pathologies et, idéalement, prévient leur apparition - notamment par ses conseils diététiques. Dans la Chine ancienne, le médecin n’était d’ailleurs payé que lorsqu’on restait en bonne santé, et non l’inverse…

Parce qu’elle insiste beaucoup sur l’aspect préventif, la MTC tend à remettre en question notre mode de vie occidental moderne, notre rapport à l’environnement (alimentation, pollution…) et à l’organisation sociale (du travail notamment, avec son rythme effréné, le stress, la non-reconnaissance de sa valeur et l’angoisse du chômage…).

Malheureusement, la MTC, qui en Chine reste une médecine populaire, et qui travaille main dans la main avec la médecine occidentale, n’a pas chez nous la même place.
N’étant pas officiellement reconnue par les autorités, ni donc remboursée, la MTC reste chez nous une médecine bourgeoise (comptez au bas mot 50€ par consultation) et incertaine pour les praticiens, qui peuvent encore être inquiétés par l’ordre des médecins, dès lors que leurs collègues allopathes feront preuve de manque d’ouverture d’esprit.

Bien entendu, vous pourrez consulter un médecin généraliste acupuncteur, et la consultation vous sera alors remboursée par la sécurité sociale. Mais il s’agit dans l’ensemble de médecins qui ne disposent que d’un diplôme universitaire d’acupuncture, et se contentent d’appliquer des « recettes », c’est-à-dire des combinaisons de points d’acupuncture qui fonctionnent pour telles et telles maladies données. Ils leur manque les outils conceptuels propres au raisonnement diagnostic chinois. Dans ces conditions, ils n’ont pas le recul nécessaire pour adapter leur traitement, appréhender l’évolution de la maladie et traiter les problèmes à la racine. Enfin, leur pratique de la MTC se limite souvent à la seule acupuncture, ce qui les empêche de recourir aux massages et corrections ostéo-articulaires, de prodiguer des conseils diététiques et de prescrire de la pharmacopée (qui est pourtant la branche la plus utilisée en Chine).

Ce statut quelque peu « boiteux » de la MTC en France ne semble pas pour l’instant se diriger vers l’amélioration. Avec l’entrée en vigueur, en mai 2011, d’une nouvelle directive européenne 2, le trouble s’est encore épaissi autour des conditions d’autorisation de commercialisation des médicaments traditionnels à base de plantes. La polémique fait donc rage, tendant à dénoncer une réglementation qui, in fine, ferait la part belle au lobby de l’industrie pharmaceutique et restreindrait la liberté des individus à se soigner comme ils l’entendent…
Quoiqu’il en soit, sur le plan national, il est dommage qu’en dehors de l’initiative de quelques services hospitaliers, les autorités ne fassent pas preuve de plus d’ouverture. En ces temps où le mot d’ordre est la réduction des dépenses publiques et où nous manquons de médecins généralistes, ne peut-on envisager un travail en bonne intelligence entre la médecine occidentale et chinoise ? Ne pouvons-nous pas imaginer un système de soins où l’accent soit mis sur la prévention des maladies et leur résolution précoce, où la prise de médicaments – aux effets secondaires parfois dévastateurs, comme nous l’a encore récemment montré l’affaire du Mediator - ne soit pas qu’un pis-aller systématique, masquant des déséquilibres qui, à la longue, se transformeront en pathologies bien plus lourdes à prendre en charge ?

Julien Perrot

1/ Giovanni Maciocia, Les principes fondamentaux de la médecine chinoise
2/ Directive 2004/24/CE

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