Nous traversons des temps féroces où nous assistons médusés à une brutalisation des rapports sociaux et au délitement de la société.
La violence s’invite partout et chacun se sépare des autres.
Nous basculons peu à peu, pour reprendre la formule de Jacques Généreux, dans une dissociété, c’est-à-dire une société peuplée d’individus dressés, au sens fort du terme, les uns contre les autres.(1)
L’injonction permanente du « vivre ensemble » qui caractérise notre époque est en définitive une obsession qui témoigne d’un déficit douloureux de fraternité.
Notre association, par ses actions, par les échanges de parole, par les relations qui ne cessent de se tisser entre les personnes, tente de marcher à contre courant de ce grand mouvement de déliaison.
Nous agissons parfois de manière désordonnée, au coup par coup, nous ne transformons pas la société en profondeur mais nous nous employons à recréer du « nous », du lien.
« Toi qui nous est donné de rencontrer, ta joie, ton malheur sont les miens ».
Ce sentiment d’appartenance à un même destin c’est peut-être cela la fraternité ?
La force réelle d’une association comme la nôtre est la possible rencontre entre des habitants du Mirail et ceux qui viennent d’autres quartiers de Toulouse, des demandeurs d’emploi ou non, des croyants ou non, des personnes avec des papiers ou sans, des retraités, des étudiants…
Si notre association doit être sans cesse repensée, elle ne devra jamais renoncer à son idéal de fraternité.
Une fraternité qui ne se réduira jamais à la tribu, la corporation, le quartier, la classe sociale, la communauté religieuse, le parti politique …
Une fraternité qui refusera de lire la société de façon binaire et par là même qui refusera de construire des identités en termes de rejet et d’opposition.
Une fraternité à rebours de l’idéologie individualiste dominante et des forces de morts qui nous dressent les uns contre les autres.
(1) Jacques Généreux, « La Dissociété »,
Editions Le Seuil, Paris,2006.