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Prof de « riches » pour un salaire de pauvre

Article proposé le jeudi 3 juillet 2008, par Marie-Laure


Depuis 3 ans, Marie-Laure Duteuil, docteur en biochimie, exerce le métier de formatrice dans des écoles privées qui préparent leurs bacheliers au concours d’entrée des
écoles paramédicales. Elle décrit ici la galère quotidienne des surdiplômés sous-payés.

La durée de l’enseignement d’une prépa-concours varie de 6 à 8 mois, de septembre à la date du concours. L’activité étant saisonnière, la plupart des établissements ne proposent que des CDD d’usage, renouvelés d’une année à l’autre. Légalement, un CDD ne peut être renouvelé que deux fois, au-delà il doit être
transformé en CDI. Mais les deux tiers de ces établissements font fi du code du Travail.

Un de mes directeurs a débuté sa carrière comme formateur et a cumulé des CDD pendant 14 ans ! La situation des autres profs est semblable à la mienne : travail
précaire et à temps partiel dans plusieurs établissements car il est très difficile de faire beaucoup d’heures dans une même école. En début d’année, j’ai posé ma candidature dans un établissement toulousain fort renommé. Mon CV ayant été retenu, me voilà contente d’intégrer une école que je pensais au-dessus du lot. En discutant avec mes collègues, j’apprends que l’établissement ignore l’existence de la formule contrat de travail. Certains sont là depuis 8 ans et personne n’a de contrat écrit, tant les profs que le personnels administratif. Les seuls documents attestant de leur travail sont les bulletins de salaire. Et le salaire, parlons-en !

Au fil des jours passés dans cette merveilleuse « usine à bachotage », je me rends compte que le paiement du salaire mensuel est aussi un véritable combat. Monsieur le Directeur refuse de faire un virement automatique et préfère les chèques qu’il rédige quand ça lui chante. Avec un mois de retard parfois et pas question de demander son dû, il paiera encore plus en retard…Normal c’est lui le chef ! Cela, de nombreux profs me l’ont bien expliqué.
Mais moi aussi, j’ai des factures et un loyer à payer, donc me voilà partie sur le sentier de la guerre. Après la visite de l’inspection du travail, - qui a jugé mon dossier très intéressant -, j’ai enfin été payée. Mais le revers de la médaille ne s’est pas fait attendre : si quelques rares collègues m’ont apporté leur soutien, beaucoup m’ont tourné le dos.

Que dire des profs qui travaillent dans ces prépa-concours ? Ce sont majoritairement des femmes surdiplômées (docteur es Sciences pour la plupart) n’ayant pas trouvé un autre travail à la fin de leurs études. Les quelques hommes que j’y ai rencontrés sont des étrangers, eux aussi très diplômés.

Forte de ces expériences, j’ai déjà tenté de me faire une place dans l’école publique, car enseigner est un beau métier même si ce n’était pas ma vocation initiale. Mon inscription comme remplaçante au Rectorat en septembre dernier a été, elle aussi,
édifiante : les seuls postes que l’on m’a proposé concernaient des matières pour lesquelles je n’avais aucune compétence et pour des sections aménagées destinées aux élèves en grande difficulté.
Lorsque je me suis présentée au collège d’une petite ville d’Ariège, le principal m’a demandé si je savais gérer les élèves « caractériels et qui peuvent devenir violents ». Désolée, M’sieur, mais moi je sais pas faire ! J’ai signalé au Rectorat que malgré tous mes jolis diplômes, je manquais de formation et de pédagogie pour ce type d’enseignement. La réponse a été laconique : « si vous ne voulez pas être prof, il ne fallait pas vous inscrire. On n’a rien d’autre à vous proposer ».

Pour finir, je vais vous faire rire : dans un organisme de soutien scolaire ou je fais quelques heures, un élève m’a interpellé : « Ca fait deux mois qu’on n’a plus de prof de biologie, la nôtre est malade. On a quand même le bac à la fin de l’année, vous ne voulez pas venir la remplacer ? ». Forte de cette information, je recontacte le Rectorat qui me répond ne pas avoir de poste. On parle souvent de l’éducation
privée qui favorise les plus fortunés ; elle profite certainement à ceux qui la reçoivent, mais pas forcément à ceux qui la dispensent.

Marie-Laure

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