A l’occasion des deuxièmes assises internationales du journalisme qui se sont tenues à Lille en mai dernier, professionnels de la presse, médias de quartiers et apprentis journalistes se sont interrogés sur la vision des quartiers véhiculés dans les médias.
Mi figue-mi raisin, le bilan de l’initiative Vu des quartiers (http://vudesquartiers.journalisme.com/), un site Internet qui propose depuis janvier 2008 d’associer journalistes professionnels et habitants pour la réalisation de reportages décrivant une autre réalité que celle des voitures qui brûlent. 70 journalistes et 80 habitants se sont portés volontaires pour cette expérience mais au total le site n’a guère publié plus d’une douzaine de reportages.
« La rencontre, le travail en tandem n’a pas toujours été facile, reconnaît Marie Dujardin coordinatrice éditoriale du
projet. L’habitant devait apporter l’idée et le journaliste réaliser en collaboration avec. Cela devait permettre au journaliste de partir des préoccupations de l’habitant et à l’habitant de prendre conscience de toutes les contraintes du travail journalistique. »
Une co-formation en somme mais quand on vient d’univers aussi différents, il n’est pas toujours aisé de se comprendre. Et le bénévolat a ses limites à l’heure où les conditions de vie, voire de survie de nombreux journalistes sont de plus en plus précaires.
Autre expérience que celle des ateliers de journalisme de Bobigny et de Marseille où des jeunes des quartiers travaillent au décryptage de l’information et s’initient à l’écriture journalistique. « On pense que si l’info est déficiente sur les quartiers c’est aussi parce qu’il n’y a pas de journaliste issu des quartiers populaires dans les médias », commente Emmanuel Rondé, journaliste et animateur de l’atelier marseillais. Après avoir suivi assidûment les ateliers de Bobigny Zineb Rose, Wéllé Koné et Mathy Mondy rêvent d’embrasser la profession de journaliste mais elles ont l’impression que la porte sera étroite : « On ne nous attend pas vraiment. Les écoles sont sélectives et chères ».
Une école de journalisme l’Emi-Cfd a tenté un recrutement plus diversifié. « Nous y avons malheureusement renoncé, commente Marc Mentré, son responsable pédagogique, parce qu’à la sortie les rédactions n’étaient pas prêtes à accueillir ces journalistes. » Petite lueur d’espoir dans ce marasme : Radio France a lancé, il y a quatre ans, un programme de formation en alternance réservé aux jeunes étudiants issus des quartiers. Neufs jeunes journalistes sont ainsi formés chaque année et l’on commence à les entendre sur les ondes.
Journaliste à Pote à Pote (SOS Racisme), puis co-fondateur de Respect magazine, magazine de promotion de la diversité culturelle, Erwan Ruty estime qu’il faut sortir des problématiques du ghetto qui parle au ghetto. C’est pourquoi il anime désormais l’agence
de presse Ressources urbaines ( http://www.ressources-urbaines.info ) qui cherche à vendre des textes et photos sur la banlieue aux médias traditionnels.
Quasiment tous les contributeurs de l’agence, journalistes, profs, animateurs sociaux…, ont vécu, vivent ou travaillent en « banlieue ». L’agence ne fait pas encore fortune mais elle commence à faire référence. « Il faut sortir des initiatives sympa et bienveillantes, insiste Erwan Ruty. il est temps de donner vraiment la parole et les moyens de la prendre aux gens issus des quartiers. » Le Sept et le site Tomirail.net sont là pour ça, avis aux amateurs !
Emmanuelle Deleplace
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