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Ô Mirail, qu’en est-il de ta jeunesse

Article proposé le mardi 21 septembre 2010, par Thierry Delaveau


Être jeune aujourd’hui, ici ou ailleurs. Être jeune en France par exemple, à
Toulouse notamment, et plus précisément au Mirail.

Être jeune au Mirail, ici ou ailleurs, qu’elle différence ?

Et puis, être jeune au Mirail, n’est-il pas un énoncé qui resserre nécessairement le
propos et sous-entend des éléments que l’on pourrait comprendre à demi-mot ou déduire de
façon presque automatique ?

Que pourrait bien vouloir insinuer « être jeune au Mirail » sinon que cela ne serait
en rien comparable au fait d’être jeune au centre ville, à Saint Cyprien ou à la Roseraie !

Serait-ce donc tomber dans le piège que d’évoquer le Mirail comme un lieu
inévitablement à part, à la marge, et stigmatiser de fait sa population ? Jeune au Mirail, il est
vrai, pourrait très facilement générer deux préjugés négatifs dans l’esprit de quelques
personnes étrangères au quartier, conséquemment à l’association de ces deux
termes : « jeune » et « Mirail » !

Le thème de l’insécurité sans cesse brandi comme un étendard par quelques va-t-
en-guerre politiques, la médiatisation à outrance d’incidents relatifs aux quartiers
dits « sensibles », la fixation paranoïaque et teinté de racisme à l’endroit des musulmans, avec
toute sa cohorte d’amalgames insultants, servent une vision primaire et nourrissent la peur de
l’autre et le ressentiment…

En réalité, l’image que la très grande majorité des individus a du quartier du Mirail
est pour le moins imaginaire et fantasmée, car ils sont peu nombreux à venir au Mirail, hormis
celles et ceux qui y habitent ! Dès lors, il devient très facile de ranger les jeunes de ces quartiers
dans un même tiroir, celui de la délinquance, celui de la « racaille » pour reprendre un terme
qui fit dernièrement florès du côté de la Présidence de la République.

Point d’angélisme pour autant, car il est une évidence, celle qui veut que l’époque,
et les sociétés qui la composent, ne soit pas particulièrement versée dans l’humanisme, et que
la question sociale reste par conséquent extrêmement préoccupante. Les difficultés sociales on
le sait, en terme de manque de ressources, de travail et de perte de confiance en soi, forment
parfois le terreau de réactions qui ne sont que révoltes devant ce qui accable et détruit au
quotidien…

Être jeune aujourd’hui, dans un quartier où le taux de chômage est très élevé, ne
permet sans doute pas de se projeter dans une vision radieuse de l’avenir !

A la lumière de ces préoccupations, je suis donc allé à la rencontre de quelques-
uns de ces jeunes du Mirail, au foyer d’accueil de l’association Voir et Comprendre, pour
récolter leur parole et tenter de connaître leur avis, ou à tout le moins, de cerner un peu mieux
ce qui fait sens ou ce qui le défait, lorsque l’on vit dans ce qui forme son lieu d’existence, là où
l’on est sensé trouver des repères qui aident à se construire en tant que personne à part
entière.

Autant le dire sans attendre, j’y fus accueilli avec respect, plusieurs d’entre eux
ayant fait le chemin vers moi la main tendue en guise de bienvenue, alors que j’étais, en me
présentant ainsi, un parfait inconnu…

« Dans une recherche de travail, quand on vous demande d’où vous venez et que
vous répondez de la Reynerie, vous êtes tout de suite catalogués » fut la première parole avant
celle-ci : « Qu’on soit jeune ou adulte on est toujours mal vus », entendez par là, si vous êtes du
Mirail.

C’est évidemment le genre de propos auquel on s’attend inévitablement, d’autant
qu’il en est certainement et assurément ainsi dans bien des cas. Le délit de faciès est
malheureusement chose courante, dans la vie publique comme dans la sphère professionnelle !

A ce propos, la stigmatisation d’un quartier peut parfois être portée à son comble et n’échappe
à personne dans ce qu’elle peut avoir au final, de caricatural : « Si vous regardez bien, dans
toutes les stations de métro, il y a des « vélib », sauf à la Reynerie ! » (La dernière station de
vélo s’arrête à l’Université du Mirail.)

Et puis il y a la présence policière, omniprésente, devant laquelle certains des
jeunes en viennent à cette conclusion : « Ils ne veulent pas que l’on sorte d’ici. »

Les relations à l’autorité sont par définition viciées, marquées du sceau de la
suspicion réciproque ; l’étincelle n’est jamais loin à couver sous la cendre, de part et d’autre.

Qui plus est, le quartier est également touché par une autre réalité, nouvelle celle-
ci, celle des familles séparées, décomposées, qui finit de mettre à terre des repères qui jusqu’à
présent rassemblaient encore et tant bien que mal, le corps familial autour d’un centre où
chacun pouvait trouver sa place.

La composition des familles s’en trouve nécessairement fragilisée, l’environnement
familial est de plus en plus déficient. Ici comme ailleurs du reste !

Une entité semble prendre le pas en compensation, celle du groupe. Par
conséquent, la tendance à vouloir imiter le groupe exacerbe les comportements de quelques
jeunes plus désorientés que d’autres.

Ici, le groupe est extrêmement prégnant, les singularités, si elles ne sont pas
refoulées, risquent alors la mise au ban. Le « je » est inexistant, seul le « nous » fait repère et
source d’identification.

Le groupe est la source, par nature, de rapports de dominations, chez les garçons
comme chez les filles, d’autant plus attisés que le climat social est des plus vacillants.

C’est dans ce creuset que, parmi les jeunes générations de 12/15 ans, il en est
dont l’attitude marque un changement notoire dans les comportements.

Beaucoup sortent de la scolarité, c’est même devenu la règle pour certains,
certaines, tel un marqueur identitaire, une façon très nette d’être reconnu par le groupe et
d’ériger cette attitude en exemple à reproduire, nouvelle norme en guise de passage d’un état à
un autre. En général, ils se font expulsés pour cause de violence ou d’absentéisme.

Les plus âgés les appelle les « favelas », en référence aux bidonvilles de Rio de
Janeiro, car ils ne respectent rien, pas même les grands frères. Leurs conduites sont plus
violentes et radicales, irréfléchies ; cette frange, encore minoritaire, de la nouvelle génération,
risque de se retrouver, sous peu, en très grandes difficultés.

Leurs projets sont ceux de la « démerde » ! Et la « démerde » est toujours en
résonance avec la société de consommation. La consommation agit à fond et fait pleinement
l’effet d’une drogue ; la reconnaissance du groupe passe d’ailleurs par l’acquisition des biens de
consommation !

Ces comportements, communément qualifiés de déviants, sont, il faut bien le
constater, le reflet d’une société en perte de sens, qui prend le risque d’abandonner une partie
de sa jeunesse sur le bord de la route.

Alors, et malgré ces éléments qui singularisent et caractérisent en négatif et en
positif un quartier plus qu’un autre, être jeune au Mirail, comment cela peut-il être vécu ?

  • « Ici, on vit très bien. Ce sont ceux qui ne vivent pas dans le quartier qui disent que l’on ne vit pas bien ! »
  • « J’ai grandi ici. Tous mes amis sont ici. Si l’on nous met à l’extérieur on est foutu ! »
  • « J’aimerais bien qu’il y ait plus de mélange de cultures… »
  • « Regardez, on vous accueille, nous ! »

Être jeune au Mirail, ici ou ailleurs, être jeune quoi qu’il en soi, et reconnu dans son
chemin vers l’adulte, vers une vie où construire sa dignité d’être humain. « J’ai envie d’être »,
me fut-il enfin répondu !

Être, tout simplement…

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