Le droit au logement opposable, évoqué par le président de la République, a été accueilli très favorablement par les partis politiques, hormis le Mouvement pour la France de Philippe de Villiers, pour qui ce concept « appartient typiquement au socialisme le plus archaïque ». Cette unanimité est également de mise chez les associations de lutte contre l’exclusion et le mal-logement, dont une quarantaine se sont même organisées en plate-forme pour le droit au logement opposable depuis plusieurs années. Pour autant, l’application, en France, de ce droit soulève des questions fondamentales. Décryptage.
* Pourquoi ce droit ?
Un certain nombre de textes législatifs français, ainsi que les conventions internationales ratifiées par la France, attestent de la reconnaissance du droit au logement. Malgré cette récurrence, le nombre de mal-logés ne diminue pas. Ce qui a amené les associations à demander sa mise en oeuvre effective en proposant, dans le 9e rapport du Haut Comité pour le logement des personnes défavorisées, de « construire la responsabilité » du droit au logement. Le but ? Créer une « obligation de résultat » afin de « mettre le droit au logement au coeur des politiques de l’habitat ». « Cette démarche nouvelle conduira la collectivité à se préoccuper davantage de la régulation du marché du logement », espère le Haut Comité.
Pourtant, tempère Jean-Yves Mano, adjoint au logement de Paris, « il ne faut pas tromper les gens et leur faire croire qu’ils pourront attaquer l’État ou les collectivités locales pour obtenir un logement. Il y a plus de trois millions de mal-logés en France et je ne vois pas comment nous pourrions demain leur donner satisfaction. Il faut d’abord que l’État impose vraiment à toutes les communes la construction de logements sociaux et de logements d’urgence et les y aide financièrement. Le budget 2007, en baisse de 2,6 %, dépense plus en aides fiscales aux investisseurs privés que pour le logement social ! ».
* Pour qui ?
La question des publics susceptibles d’ester en justice pour obtenir un logement est un autre écueil. Ce droit doit-il être ouvert à tous ou à certaines personnes ? En Écosse, seul pays de l’Union européenne à avoir mis en place le droit au logement opposable, c’est la progressivité et la catégorisation des publics qui ont été choisies. La loi, votée en 2003, stipule qu’en 2012 tous les publics pourront se tourner vers le juge pour obtenir un logement. Avant cette date, des publics prioritaires (femmes enceintes, ou famille avec des enfants en bas âge, etc.) ont été listés. Cette option de hiérarchisation des publics est notamment défendue par Patrick Doutreligne, délégué général de la Fondation Abbé-Pierre.
Mais cette opposabilité a, en Écosse, une limite : le déséquilibre des marchés du logement. Pour l’instant, le pays n’est pas en manque de logement. Mais si c’est le cas, le droit au logement opposable peut être localement suspendu.
* Vers qui se retourner ?
C’est la grande question. Normalement, c’est à l’État, en tant que garant de la solidarité nationale, de répondre du non-respect de ses obligations. Mais les avis divergent. Ainsi, le député sarkoziste Georges Fenech, président du groupe d’études parlementaires sur les sans-abri, a présenté, hier, un projet de proposition de loi instituant un droit au logement opposable. En l’état actuel, le texte fait du maire le pivot du système. Une solution que beaucoup critiquent puisqu’elle permettrait à certaines communes dépourvues de logements sociaux ou d’urgence de se désister à peu de frais de leur obligation. « Si l’État se défausse vers les élus locaux, cela ne réglera en rien le problème et provoquera un accroissement des difficultés des communes qui ont le plus de logements sociaux », estime ainsi Stéphane Peu, vice-président de la communauté d’agglomération de Plaine Commune et ancien adjoint chargé du logement de Saint-Denis (93). Le Haut Comité préconise plutôt de confier obligatoirement cette responsabilité aux groupements intercommunaux juridiquement appelés EPCI, et, pour ce qui concerne la région Île-de-France, où « la moitié du parc HLM est concentrée sur seulement 8,5 % des communes », au conseil régional.