La Mairie de Toulouse veut rendre la ville « plus conviviale ». Pour ce faire, elle a installé rue Alsace Lorraine des cubes rouges, des cylindres jaunes, des jardinières avec bouleaux, des phrases, et de nombreuses photos d’enfants. C’est un « projet événementiel », qui nous annonce la « cité de demain ».
Un peu partout en France, s’étalent impitoyablement toutes sortes d’installations sympas, généralement insignifiantes, souvent très laides, et qui usent et abusent de l’image de l’enfance.
Dans le même temps, partout, les solidarités sont mises à mal.
L’horreur économique règne. Les rapports sociaux se sont durcis comme jamais depuis vingt ans. Les sans-papiers, les jeunes des cités, les chômeurs, les malades, beaucoup de personnes âgées, les SDF sont quasiment rendus coupables de tous les maux.
La violence règne en bien des lieux. Les exclusions se multiplient. Les logements sont inabordables. Les délits d’initiés prolifèrent. « La sottise, l’erreur, le péché, la lésine », comme les dénonce Baudelaire, se généralisent.
Penser le présent c’est se demander si ce convivial coloré ne représenterait pas de nouvelles « Fleurs du Mal » ?
D’une part, il masque fortement la violence de notre temps, où précisément il s’épanouit. D’autre part, il tend à créer l’illusion qu’il suffit, pour être citoyen, de poser son cul sur un cube rouge.
Or, la citoyenneté est un rude métier.
Le travail des hommes politiques ne devrait pas viser à voiler le réel, mais à aider à le discerner et à le transformer, et donc à vraiment former les consciences. Pour cela, ils devraient consacrer toutes leurs forces à rendre l’école capable d’initier égalitairement tous les enfants au dur effort d’être des citoyens.
Aussi ce numéro du Sept est-il consacré aux écoles du Mirail, lieux remarquables des contradictions de notre temps, et dont ont peut souhaiter que le politique ne cachera pas les problèmes sous des jardinières multicolores.