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La fin du courage ou la vertu des courageux

Article proposé le mardi 28 septembre 2010, par Thierry Delaveau


laFinDuCourageL’éducation, la socialisation, l’instruction, l’intégration, nous somment de canaliser nos vies et nos désirs dans l’entonnoir des parcours balisés, à nous fondre, nous confondre et nous perdre avec les rôles et fonctions de la mégamachine sociale, magma d’un collectif sans tête, broyeur des singularités. Ces formes d’organisations institutionnelles dispensent, ou même, interdisent d’exister par soi-même.

Seuls les interstices de ce corps social, ses ratés, ses failles, ses marges, permettent le surgissement de sujets réfractaires et échappés de ce système.

De philosophe à philosophe, ces idées que j’emprunte à André Gorz m’invitent à introduire ici le dernier ouvrage de Cynthia Fleury, « La fin du courage ».

Il est aisé de reconnaître qu’une domination s’exerce non seulement dans notre travail, mais également dans nos besoins et nos désirs, nos pensées et notre imaginaire, jusqu’à notre constitution psychique et physique.

Nous sommes rentrés dans l’ère de « la culture de la consommation » ; en somme, dans la dictature des addictions, de l’accoutumance. La consommation exerce dorénavant une emprise notoire sur le corps social, couplée à un avilissement moral et politique.

L’instrumentalisation, la récupération des valeurs et vertus opèrent en faveur des processus de consommation. Dans ce système, les individus sont rendus vulnérables ; nous assistons alors, selon Cynthia Fleury, à « l’érosion de la conscience de soi ».

Ici, le sujet s’oublie, et pense exister là où il se perd !

Pour Cynthia Fleury, convoquant à sa thèse le sociologue Axel Honnet, nous vivons la société du mépris, société où s’applique l’invisibilité sociale et où s’organise la mésestime sociale, laquelle rend invalide le processus de reconnaissance nécessaire à tout individu. Cela, particulièrement dans le monde du travail.

Chacun est devenu interchangeable, et donc invisible ; il n’existe pas !

« L’oppression et la domination du système capitaliste » agissent d’une manière bien plus sournoise que tout ce qui a existé jusqu’à présent. D’où « la fin du courage », la capitulation, le désarroi, l’impuissance et le découragement.

« S’extraire de la glu » serait pourtant d’une urgence première !

En cela, l’ouvrage de Cynthia Fleury n’est pas de ceux qui se complaisent dans l’énoncé d’une apathie généralisée ; le sous titre en témoigne : « la reconquête d’une vertu démocratique ».

Si l’analyse de Cynthia Fleury est de la matière du « parrèsiaste », du « dire vrai », c’est pour mieux stimuler le courage et réveiller le courageux. Car il s’agit bien ici de sauver la cité, de vaincre l’opacité du monde et de refuser les simulacres. « Le courage, seul, dit l’irréductibilité de l’être », il « est », « séance tenante » !

Nul mimétisme. Le courage n’imite pas, il est soi-même. Il est celui qui résiste à la barbarie et à l’absurde. Face à une société de l’interchangeable et de l’invisibilité, il invite à ce que chacun soit inimitable, à ce que chacun multiplie les positions et les perspectives et sorte de « l’uniforme et de l’indifférenciation » !

Il est clair que, depuis quelques décennies, la souveraineté populaire a progressivement été vidée de tout son sens.

« L’histrionisme politique », la bouffonnerie, la « contre-exemplarité politique » et le « déshonneur des élites », devraient inviter désormais au courage à démasquer les forfaitures du pouvoir et à ne plus s’accommoder de cette « pétrification » du corps social.

En résumé, ce livre, tout de courage, est dédié au courageux, à celui qui est déterminé à agir, celui où le « dire vrai » et « l’agir » coïncident et se rejoignent « séance tenante ».

L’ouvrage de Cynthia Fleury est composé en deux parties : « Morale du courage » et « Politique du courage ». Il est à mon sens une invitation salvatrice et vivifiante à lutter contre l’érosion de soi, à « prendre son temps et être patient avec soi-même », dans le sens d’une reconquête de cette vertu démocratique : le courage…

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