Dès la construction des premiers immeubles au cours des années 70, des personnalités fortes ont investi le Mirail. Certains sont toujours là, d’autres ont déménagé mais en gardant toujours des liens amicaux forts dans le quartier. Qui étaient donc ces militants de la première heure ?
Ils étaient souvent issus des milieux de gauche : PCF, PSU, chrétiens de gauche, militants trotskystes, maos ou anarchistes. Ils se sont installés au Mirail pour y travailler, souvent dans l’enseignement ou l’action sociale, et y habiter en même temps. Ils ne cherchaient pas à faire du prosélytisme mais plutôt à participer à une expérience de vie collective.
« On a été vraiment heureux » disent en chœur tous ceux qui ont connu les premiers temps de la cité de l’architecte Candilis.
C’est cette nostalgie qui fait se réinstaller dans le quartier des filles et fils de militants devenus adultes et forcément un peu militants eux-aussi. Les anciens, pour la plupart sont encore là. Malgré la montée du chômage et des difficultés sociales, ils n’ont pas déserté. Les plus âgés sont devenus la mémoire vivante du quartier, acceptant de répondre inlassablement aux questions des journalistes, des étudiants et des chercheurs.
Parmi eux, je pense à cette institutrice aujourd’hui retraitée, ancienne adhérente au parti communiste qui avait choisi, après plusieurs années de coopération en Algérie, d’habiter le Mirail pour être au plus près des enfants à qui elle faisait classe. Elle n’hésitait pas à aller chez les les enfants en difficulté pour les aider. Elle a aussi longuement milité à la confédération nationale du logement (CNL), considérant de son devoir d’être aussi une locataire engagée.
Je pense aussi à ce photographe qui a habité Bellefontaine, puis Reynerie, dans les années 70 et qui continue, malgré son déménagement de photographier le quartier, d’y maintenir des liens affectifs en assurant notamment la présidence d’une association pour les enfants du quartier. Il y a aussi cet enseignant retraité, habitant des Mûriers qui a rassemblé une documentation unique autour de l’histoire du Mirail.
Il y a derrière tous ces choix une volonté profonde de vivre ensemble, d’agir avec et non à la place des voisins. Ni les émeutes urbaines, ni la catastrophe industrielle n’ont eu raison de la détermination de ces militants de la première heure. Certains sont partis, lassés d’être un peu trop seuls « au front » mais ils reviennent régulièrement car leurs vraies racines sont ici, enfouies sous les dalles du Mirail.